J'ai encore fait des vagues bien plus grosses que moi au travail il a fallu que ma boss sorte de son bureau pour me rappeler à l'ordre devant une immense file de clients. Par chance un de ses amis clients et témoin de la scène qui m'a fait littéralement péter les plombs est intervenu, m'a applaudi en me donnant un gros tip et en disant a ma patronne "Tu as de très bons artistes". Il m'a sauvé la vie, me faire virer signifierait la fin de mon aventure au Canada. Je ne me pencherai pas plus la-dessus, cela ne paraîtrait que comme des vaguelettes pour vous mais pour moi ça aurait pu justifier un "Blackhorse et le washroom keys vol.2" voir une troisième guerre mondiale. En guise de décompression forcée j'ai eu le droit a deux jours de repos cette semaine.
Je me sens toujours aussi isolé dans ce Yukon si riche en possibilité. Bizarrement ces jours off censés me permettre de profiter pleinement de ma terre promise sont des jours de grands questionnements remplis d'un immense vide d'envie, je regrette presque le formatage quotidien de mon esprit qui me permet d'aller travailler. Pour contrer cela j'enfourche mon vélo pour aller nul part. Il me semble ne pas avoir le choix, longer la riviere, regarder les enfants s'amuser sous le jets d'eaux de l'aire de jeux, contraste si marquant de ce grand nord réputé pour son hiver rude - on a du mal à se l'imaginer en maillot de bain. Leur joie et leur cris sont d'autant plus intenses qu'ils savent combien ces chaudes journées ensoleillées sont précieuses ici. J’échange un bonjour avec ces pauvres titubateurs étonnés de voir que je ne suis pas uniquement l'artiste des sandwichs qui, enfreignant les règles, leur ouvre les portes des saintes toilettes ou leur accorde, grâce à mon pouvoir divin, un (maudit) verre d'eau. J'observe ces gens de passage déambuler au milieu de cette faune urbaine portant sur leur front la mention "non fréquentable". Ces touristes en quête des beautés du grand nord ont l'air surpris et effrayés par ces first nation alcoolisés qu'ils dévisagent longuement comme on regarderait des bêtes de foire.
Je veux pouvoir partir loin, fuir ces dégoûtantes villes bien trop peuplées et goudronnées pour moi. Un retour aux sources s'impose, en un coup de guidon je m'en vais vers la hutte de castor la plus proche en quête d'apaisement. Si cela fait rire tout le monde quand j'en parle, je sais qu'eux et la nature en général ont les clés de mon bonheur ou du moins de la zénitude de mon esprit torturé. Assis, camouflé dans le végétation je guette. Je suis à 5 minutes de la ville et j'entends encore les sirènes de police ou des ambulances, le bruit de la circulation, de tous ces gens vaquant à leurs occupations. Je me sens pourtant la totalement isolé et bien qu'aucun signe ne soit apparent en dehors de ces bois si soigneusement décortiqués, je sais que la nature est la, et ma foi me dit que ma patience et le vide fait en moi seront récompensés par un signe flagrant de sa part. Il suffit d’éveiller ses sens (si peu développés soient-ils) pour la voir, la sentir et l'entendre me donner des réponses. Il ne me faut pas longtemps pour sentir des frissons monter le long de ma colonne vertébrale. Les animaux sont tout autour de moi mais sont soit trop furtifs soit trop bien cachés pour les apercevoir. Comme pour les aurores boréales, observer la faune sauvage demande du temps, multiplier les occasions, et se donner la peine d'ouvrir les yeux. Certains yukonnais ici depuis des années disent qu'ils n'ont jamais vu les castors ici...
Je sais qu'il va ressortir la tête pour observer l’étrange bébête que je suis. Ce sont des castors urbains donc bien moins craintifs que ceux qu'on croiserait dans des endroits bien plus reculés. Mais ils restent méfiants, j'aurais pu être accompagné d'un fidèle quatre pattes poilu adorant courir et nager après les castors ou un de ces abrutis s'amusant a lancer des cailloux sur ces experts de la construction. Il réapparaît par intermittence comme pour vérifier mes gestes et tester mon niveau d’hostilité potentielle. Lors de ses plongées je tends l'oreille pour savoir si monsieur aux longues dents ne sortirait pas un peu plus loin sur le rive. J'entends un gros raffut non loin de moi, je me dirige donc vers ces bruits qui pourraient être ceux d'un animal du gabarit du castor. Je me déplace dans cette végétation dense, moment ou malgré tous mes efforts il est impossible de passer inaperçu, généralement c'est le meilleur moyen de faire fuir l'objet de mes convoitises.
Photo prise à minuit |
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