Thursday, November 24, 2011

Le nouveau politiquement correct

Des nombreuses choses ont changé depuis le début de mon voyage, c'est amusant de voir comme on peut radicalement changer quelques fois grâce à de simples discussions. Si l'équipe des anti politiquement correct avait existé j'en aurais fièrement fait partie. Adorant plus que tout pouvoir tout dire jusqu'à parfois choquer, cette notion a toujours été mon ennemi. Jusqu'à maintenant, je ne me suis jamais abstenu pour faire l'amalgame entre "politiquement correct" et hypocrisie. Utiliser un mot plus gentillet pour caresser dans le sens du poil est toujours allé à l'encontre de ma franchise.


Je savais que ce politiquement correct était bien plus présent outre Atlantique mais je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Après mes premiers entretiens à mon arrivée sur Montréal, j'ai un peu mieux compris. Contrairement en France où on va vous faire rapidement comprendre que vous n'êtes pas la personne appropriée en pointant ce que vous ne savez pas faire, ici on vous valorisera toujours même si vous ne faites pas l'affaire. Au final on ressort d'un entretien en France complètement démoralisé, alors qu'ici on en sortira remotivé même si le résultat est le même : pas de job. J'avais tendance à prendre ce genre d'exemple et affirmer ma french attitude "Ouais, bin j'aurais encore préféré qu'ils me disent franchement que je ne faisais pas l'affaire". Mais pour des résultats identiques, on peut assurément penser que leur méthode a du bon pour notre moral.

"Ne pas pouvoir utiliser les mots qu'on veut, c'est ne pas avoir le droit de parler de certaines choses !"
Encore une affirmation que je considérais pleinement fondée. Mais depuis tout ce temps à voyager, à discuter, à lire les journaux, à écouter la radio je suis obligé de constater que beaucoup de débats sur des sujets qui pourraient être considérés sensibles voir inabordables en France, sont abordés sans aucun complexe. Les questions de cultures, d'origines, d'immigration, de religion, d'identité nationale sont autant de sujets qui provoqueraient de grosses polémiques chez nous. Nous nous vantons d'être francs et directs mais nous sommes incapables d'aborder des sujets sans que cela ne parte en bataille rangée, alors que dans ce pays, que nous qualifieront rapidement d'hypocrite, absolument tout est mis sur la table. Voila quelque chose qui suscite donc quelques interrogations.  

Cela devient si enrichissant que je ne me lasse plus d'écouter des débats à la radio (c'est d'ailleurs encore mieux que les films je trouve pour pratiquer l'anglais). Et ce qui peut paraître comme une rigueur du langage inutile ne devient plus que le souci d'utiliser le bon mot pour affirmer son opinion sans jamais offenser celle de son interlocuteur. Mon ennemi, ce PC, devient une règle de savoir vivre (ou de savoir communiquer) si loin de notre culture mais pourtant si efficace pour discuter sereinement.

"Offenser" ou plutôt le fait de ne pas offenser devient ici une vraie marque de fabrique pleinement intégrée dans cette grande nation. Le "modèle d'intégration" canadien repose d'ailleurs en grande partie là-dessus et sera souvent fièrement mis en avant. Encore aujourd'hui pendant mon cours d'anglais, le sujet était ce fameux "politiquement correct" mis en opposition avec stéréotypes qui peuvent être faits vis à vis de différentes nations. En cours, notre prof canadienne, un italien, un tchèque, deux coréens du sud, un japonais, un iranien et un français. Nous nous sommes donc d'abord amusés à parler des différents clichés, pour en venir au politiquement correct qui signale de ne pas dire "Tous les français sont des mangeurs de grenouilles" mais plutôt "Certains français mangent des grenouilles". Plutôt qu'une rigueur de langage on parlera donc là de bon sens et d'une certaine preuve d'ouverture d'esprit visant à combattre les généralités. Tout cela nous a mené à de magnifiques débats dans le plus grand des  respects, et il sera toujours plus intéressant d'écouter un iranien parler de son ressentiment quant à son pays et de la façon dont il est vu plutôt qu'écouter notre sainte télé pour qu'elle nous apprenne ce qui se passe en dehors de notre petite maison.

Si un italien se verra offenser quand on dira "Tous les italiens sont des mafieux", un canadien ne supportera pas "Les canadiens sont comme les américains". Stéréotype facilement fait et je pense même l'avoir déjà utilisé. Même si ils affirmeront sans état d'âme ce qui leur est commun, ils insisteront avant tout sur les différences flagrantes entre ces deux cultures. Si dans un le melting-pot est la méthode d'intégration permettant l'assimilation d'un individu dans la culture américaine, dans l'autre ce sont les différentes cultures qui font l'identité nationale canadienne. D'où l'importance d'utiliser les bons mots afin de ne pas froisser toutes ces cultures et ses avis ne cherchant qu'à cohabiter sans avoir à s'affronter. Evidemment tout cela est difficile à concevoir pour un pays dans lequel les joutes verbales sont un sport national et que la "qualité" d'un débat sera intimement lié aux décibels qui s'en seront dégagés.

Le "politiquement correct" est passé dans ma tête, de concept ridicule et rétrograde à une qualité "civico-culturelle" rassemblant la politesse et le respect mais permettant à un sujet d'être débattu sans en venir à la règle de "celui qui crie le plus fort", même si je garde pour l'instant ma liberté de langage et de volume sonore :p. 


7 comments:

  1. Rien à ajouter...
    Je partage entièrement ton analyse.

    Si, je dirai juste que j'ai vécu et découvert, pendant mon séjour là-bas, la légitimité à voir les choses comme ça depuis toujours.
    Et au fond, ce que je me disais un peu pour me consoler de mon retour en France c'était que rien ne m'empêche de continuer à vivre avec cette façon de voir et de vivre les choses.
    Je me le dis moins, mais tout simplement aussi par ce que je vis plus a fond cette façon d'aborder le monde qui m'entoure.
    Du coût je n'ai toujours pas retrouver cette envie viscérale qui m’habitait lorsque j'avais envi de fuir la France pour aller au Canada. J'ai beaucoup envie d'y retourner mais pour des vacances.

    Bise poto

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  2. Plus que dans la vie politique ou quotidienne du genre de celle que tu décris, le politiquement correct me gène en revanche énormément dans les relations amicales... je n'aime pas me brider et j'aime pouvoir parler plus vite que mon ombre. Je suis pourtant une adepte "du mot juste" mais l'exemple que tu dis, par exemple, de dire plutôt "certains" au lieu de "tous", ne me parle pas. Je n'aime pas prendre de pincettes. Je ne sais pas vraiment comment cela se passe au Canada, mais aux Etats-Unis je vois très bien les effets néfastes du politiquement correct, à la télé par exemple. A chaque fois qu'un comédien par exemple (je pense à l'affaire jon stewart il y a peu de temps) dit quelque chose d'un peu osé, il est contraint de s'excuser le lendemain. A travers cette règle du savoir vivre et de ne pas offenser quiconque, on ne peut plus avoir des opinions fortes publiquement. Toujours mettre la forme "je pense que, moi je dis que" mais... quel est l'intérêt puisque si j'ouvre ma bouche, c'est que ça passe par ma subjectivité ! Bref, commentaire en vrac sans queue ni tête, mais pour conclure : point trop n'en faut. Et en l’occurrence, je trouve que pour l'instant, c'est bien trop !

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  3. J'avais précisément le même point de vue sur ce sujet, je détestais ça. Mais je vois surtout maintenant plus que le souci du mot juste, le fait de ne pas vouloir offenser un interlocuteur. Moi qui adore faire du rentre dedans forcément, ce n'est pas demain la veille que je vais m'y mettre.

    En revanche pour les relations amicales, que ça soit avec des anglophones ou des francophones, ce souci du politiquement correct s'efface et a aussi peu de place qu'en France. Du moins je le trouve. Donc ce n'est pas gênant en ce sens.

    Je souhaitais surtout montrer que malgré ces règles de restriction de langage, bien plus de sujets sont abordés et débattus ici.

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  4. Je suis tout à fait d'accord avec tes deux premiers paragraphes, par contre pas du tout pour le dernier. Ça permet sans doute une conversation et un échange plus fluide quand il y a débat, mais je trouve au contraire que ces restrictions peuvent justement brider la quantité de sujets abordés. En revanche, quelque chose que j'ai remarqué dans le tempérament américain (désolée de m'y référer encore, mais je ne connais pas le canada), c'est que tout est sans cesse remis en cause, il n'y a rien d'acquis. Et c'est, à mon avis pour ça qu'on a l'impression que tout peut être abordé.
    [Politically correct] en tout cas voilà c'est mon avis, je pense que le tien se vaut aussi largement, et tu as sans doute plus d'expérience de terrain que moi [/politically correct]
    [française allumée] nan mais franchement morgan, tu dis vraiment nawak, des fois...[/française allumée]
    :-D

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  5. Ah voilà, j'ai retrouvé le passage auquel je faisais référence :

    "Les questions de cultures, d'origines, d'immigration, de religion, d'identité nationale sont autant de sujets qui provoqueraient de grosses polémiques chez nous. Nous nous vantons d'être francs et directs mais nous sommes incapables d'aborder des sujets sans que cela ne parte en bataille rangée, alors que dans ce pays, que nous qualifieront rapidement d'hypocrite, absolument tout est mis sur la table."

    Voilà, donc pour moi, cette façon de voir les choses n'a pas grand chose à voir avec le langage et son usage, mais plutôt au fait que les sociétés nord-américaines sont très très très jeunes et rien n'y est installé, d'un point de vue social, sociétal, culturel... Tout peut être remis en cause, que l'on trouve ça légitime ou pas. Aucun "combat" n'est gagné.
    Autre chose de paradoxal et amusant (là encore je ne sais pas quelles sont les lois à ce sujet au canada), mais on peut tout dire au nom de la liberté d'expression, même quand cela nuit à notre prochain !

    Enfin, bref, faut vraiment qu'on en parle devant un verre !!

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  6. A mon avis, ça serait bien qu'on en parle :p

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  7. Pourquoi, comme ça tu pourras me marave la gueule si on est pas d'accord ? :p

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