Thursday, April 5, 2012

Anecdotes de voyage

Petit rappel à l'ordre (suite au dernier article), tant que la santé (surtout celle de mes proches) est là rien n'est grave. Ca reste et ça restera ma ligne de conduite. Des nouvelles du frère (ça faisait longtemps) permettent de recentrer mon esprit et de me rappeler que j'ai une chance inouïe d'avoir pu faire tout ça. Entendons nous bien, je parle de chance de pouvoir marcher et porter un sac, tous ceux qui m'ont dit "Wahouuu la chance" quand je racontais mes histoires n'ont pas saisi que rien ne les empêchait d'acheter un billet d'avion pour voyager également. On parle donc de choix et non de chance dans ce cas là.

En dehors de mes articles "états d'âme", j'ai souvent écrit ici à froid. C'est plus facile pour garder l'essentiel et mettre ses émotions de côté. Mais j'ai certainement oublié un grand nombre de petites anecdotes qui  sont encore maintenant quelque part dans ma petite cervelle. Je vais donc essayer d'en partager quelques unes.

La fierté canadienne : une immigration qui marche. Oui mais...

2e jour sur le sol Canadien. Alors que je me prépare mes douces pâtes, un flash info passe à la télé et un groupe de québécois vit cela avec presque autant d'amour que le français moyen à pour son journal télévisé. Le sujet était la construction d'une mosquée à Winnipeg pour ensuite la transporter dans le grand nord pour la petite communauté musulmane de ces territoires reculés.
"Bin c'est très bien, qu'ils aillent dans le grand nord, ils nous feront pas chier ici" s'exclame l'un d'eux et ses amis  rajouteront  de bien belles couches.
Mince alors ?? je suis encore en France ?

Un client rentre en trombe dans notre fast-food et demande les fameuses clés des toilettes. Ca peut paraître radical où excessif de dire non mais en 4mois nous en sommes tout de même à notre 5 clients qui, pour s'amuser, chie à même le sol. Il se met à hurler et insulter mes compatriotes philippino.
- Bande d'enculés, vous n'êtes pas chez vous et vous m'empêcher d'aller pisser ? Rentrez chez vous y en a marre de vous connards de philippins !
- Je suis citoyenne canadienne depuis 4 ans.
Les insultes fusent et il éclate une bouteille en verre sur le sol. La patronne sort, et le vire gentiment avec son accent hispanique.
"Une mexicaine qui embauche des philippins, nous ne sommes plus chez nous. Retourne dans ton pays la grosse !"

Toujours dans le même "restaurant" alors que je bataille avec la machine à boisson qui fuit de tous les côtés, un client s'approche de moi et me dit : "Tu travailles ici ?", arborant fièrement mon uniforme et ma casquette avec écrit en gros le nom du restaurant je lui réponds : 
- Oui oui, bien sûr.
- Mais tu es blanc !?? Pourquoi tu fais ça ?
Il avait l'air si désemparé de voir un blanc ici, cela a bien fait rigoler mes collègues de travail. 

Croyants et supernaturel

Ca fait une semaine que je suis arrivé sur ce continent. J'entrouvre les yeux et sur le lit en face du mien je vois quelqu'un assis, en costard (c'est assez original dans une auberge de jeunesse pour être relevé), juste dans un rayon de lumière. Il me fixe, voit que je me suis réveillé et me dit :
"Connais tu le pouvoir de la luminothérapie ? Il ne faut pas sous estimé le pouvoir des rayons lumineux ! Sais tu à quelle heure est la messe ?"
Gnééééé ????!!!!

Peu de temps après m'être fait voler mes papiers, j'en parle avec un des guests de l'auberge.
"Tu sais moi je suis ici pour fuir mes démons, ils s'acharnent sur moi, me veulent du mal et m'attaque spirituellement et physiquement. Je regrette ce qu'il t'arrive, mais je suis persuadé que ces démons n'y sont pas étrangers et je m'en excuse, j'ai dû les amener avec moi en ces lieux" Tout cela est débité avec un sérieux et un calme qui me laissent perplexe.
... Je n'attendais pas tant de compassion de sa part...

A peine arrivé à WH, le charme de ces 4 suissesses ainsi que mon état de fatigue extrême après 4 jours dans le bus m'amènent dans la maison du diable (c'est ainsi que je les appelle) pour une messe. Les gens chantent récitent, c'était si passionnant que j'ai réussi à m'endormir. En sortant de cette cérémonie, on me signale qu'il y a des petits gâteaux à manger. Le curé, qui avait bien vu que je dormais viens vers moi pour essayer d'en savoir un peu plus sur mon compte. Heureux de voir qu'un français, dès son premier jour ici se retrouve à la messe. En mangeant des petits gâteaux j'essaie, avec un peu d'humour de lui faire comprendre que d'une je ne suis pas du tout croyant, tolérant, mais il ne faut surtout pas essayer de me sortir leurs grandes phrases toute faites pour essayer de me convaincre : "Moi je suis venu surtout par curiosité, je voulais juste savoir le goût qu'avaient les hosties, est ce que c'est sucré ?" Après cela on m'a laissé tranquille.
   
Que le Canada est petit, presque autant que le monde

Quelques jours après être arrivé je rencontre un français avec qui je me suis bien entendu. Nous avons passé de longs moments à échanger et bien que diamétralement opposés le courant passe bien. Comme toutes ces rencontres elles sont très éphémères et 3 jours après plus aucun signe de vie ni d'un côté ni de l'autre. 6 mois plus tard et 5000Km plus loin, premier jour à Dawson, je me dirige vers la banque pour aller retirer. Alors que je compose mon code quelqu'un me tape sur l'épaule. Nicolas est là et s'en va le lendemain. Quelles étaient les chances pour qu'on se rencontre à nouveau. Il n'avait pas prévu de venir ici et moi non plus...

En pleine concentration pour préparer le sandwich d'un client une dame d'un âge certain s'approche et me dit :
"Oh tu es si mignon, tu es le français qui travaillait au Kate's à Dawson ?! Je te reconnais, tu avais un gros sac rouge !"
Elle sort du fast food et criant "Il y a une Gwich'in d'Old crow qui t'attend là bas !" Je ne sais absolument pas d'où elle me connait, je ne l'ai jamais vue mais ça fera une raison de plus pour aller à Old crow :D.

Ce chapitre pourrait être si long, surtout ici au Yukon, tout le monde connait tout le monde, il est arrivé par exemple qu'un Australien et un Allemand en voyage ici se soient rendus compte qu'ils étaient sorti avec la même fille. Pour l'Australien c'était en Argentine, pour l'Allemand c'était dans son pays...

Même pas peur ! Enfin je crois...

A Dawson, je prends mon ferry pour retourner dans mes bois. Je croise les employés chaque jour mais la conversation va rarement plus loin que "Bonjour, comment ça va ?". Un soir l'un d'eux, s'approche de moi et me dit "Ceci est à toi ?" en me montrant une balle d'un calibre fort respectable. "Houla non je ne me ballade pas avec ça"  il me jette un énigmatique "Nous t'avons dit de te méfier, tu n'as pas écouté". Le lendemain cette balle était sous le duvet de ma tente. Encore un test ? 

La peur de ma vie restée sous silence pour éviter d'effrayer ma chère maman. En rentrant du boulot (toujours à Dawson), sur mon petit chemin que je connais par coeur. Après une petite centaine d'aller-retours je ne me méfie même plus et je regarde plus le sol que les alentours,  j'ai presque oublié que j'étais au pays des ours. J'entends un gros bruits, et je vois un ours noir qui sort du bois et se dirige vers moi l'air assez déterminé, il s'arrête à une 15 aines de mètres de moi se dresse sur ses pattes quelques secondes et continue ses grognements. Je n'ai jamais eu si peur, je suis sur une trail ou personne ne passe, loin de chez moi, en face d'un animal qui pourrait me tuer en éternuant. J'ai levé les bras et hurlé de toute mes forces (vous m'avez d'ailleurs peut être entendu en France). Il a fini par traverser le chemin et repartir dans le bois, moi j'ai dû mettre une bonne heure avant de reprendre ma route. J'ai croisé plusieurs ours noirs et grizzlis mais celui là est le seul que j'ai vu qui n'était pas très commode dirons nous. En tout cas je le recroise régulièrement dans mes rêves.

L'amour c'est ça 

Alors que je descends de mon petit spot pour observer les aurores, dans l'obscurité la plus totale j'entends un groupe de personne qui fait le trajet inverse. Un petit "Hi" en les croisant et un chien me saute littéralement dessus et en profite pour me laver le visage avec sa langue (miam). Je ne l'ai pas reconnu sur le coup, mais c'était Angus du Beez Kneez (ma deuxième maison yukonnaise et la plus agréable des auberges de jeunesse). Lui n'a pas besoin de lumière pour reconnaître ses compagnons.

En passant à la caisse, après avoir fait mes courses hebdomadaires, la caissière me dit : "C'est votre chien là dehors ?", je réponds non avant même de jeter un coup d'oeil, et je vois toujours mon petit Angus debout, les deux pattes sur la baie vitrée, les yeux rivés sur moi, la queue tournant à toute vitesse. "C'est pas le votre mais il à l'air de vous connaître ou d'en vouloir à votre chocolat !".





Histoire de sac (et de vieux)


Chargé comme un mulet, prenant la place de trois personnes dans le métro, je suis totalement coincé par la foule matinale partant travaillée. Je dois descendre dans 2 arrêts mais je commence déjà à essayer de m'approcher des portes pour être sûr de pas louper ma station. Cela est totalement impossible, trop de monde et tous me regardent bizarrement. Un backpacker c'est avant tout un crasseux plein de puces et qui peut vous transmettre ses maladies rien qu'en vous regardant... Une petite vieille (elle devait faire 1m50), voyant mon incapacité à me dépêtrer de cette foule si collante elle me dit sur un ton très militaire : "Suis moi, je te couvre". Et la foule s'écarta  comme la mer rouge s'ouvrant devant Moïse.

En rentrant des courses à Whitehorse, une petite vieille avec son déambulateur et plein de sac plastiques marche difficilement sur ce sol glacé. Je lui propose donc un coup de main, la ramène chez elle en portant ses courses. J'ai ensuite été accueilli comme un prince chez elle, avec du thé plein de gâteaux. En racontant mes aventures de marcheur-voyageur, elle me dit "Si tu as besoin d'une voiture je peux te prêter la mienne pour autant de temps que tu veux, mon mari n'est plus là, et moi j'ai bien trop peur de conduire".


2 comments:

  1. Wahou ...!
    Merci pour ces tranches de vie qui pour certaines s'apparentent carrément à du X-files. Ce sont le genre d'histoire que l'on adore entendre, et surtout qui nous donnent une idée des mentalités qui s’avèrent être différentes de ce que l'on connait sur une des faces sud de l'hexagone.

    Le coup de la balle de fusil et celui du gars assis sur le lit d'en face sont deux cas qui prouvent qu'en passant la frontière, tu es passé dans la quatrième dimension.

    Pour le coup de l'ours, qu'il est con celui-là, c'est bien connu, y'a pas grand chose à manger sur toi, t'es aussi épais qu'un "Subway". Essaie de plus faire le con en traversant leur territoire. Ou alors prends cette voix de circonstance en gueulant "Je préfère vous dire que moi il faut pas m'faire chier" ... Si t'avais gardé le masque qui va avec, tu serais à l'abris.

    En ce qui concerne le premier de tes sujets, hélas pauvre Morjan, tu seras toujours en France de ce côté là.

    Et c'est quoi cette histoire? t'es tout nu de la figure maintenant? En plus de rouler une pelle à un clebs, on a l'honneur de découvrir avec la pudeur qui nous caractérise, ton pourtour buccal ...Shocking !!!!

    Plus sérieusement, promets-nous de nous abreuver de tes aventures, même si j'imagine que pondre un texte long à chaque fois est épuisant.

    N'oublie pas que tes anciens co-esclaves Télévitalistes te suivent toujours sur ce blog.

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  2. Aussi épais qu'un Sub de 6'' certes, mais mes os peuvent facilement servir de cure dent pour un ours. Et un cure dent c'est pratique quand on passe sa journée à manger des canneberges.

    Voui fini la barbe depuis que je bosse. C'était la condition pour me faire embaucher par le géant interplanétaire du sandwich :(

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