Wednesday, September 19, 2012

Vacances au Yukon

Je suis rentré  complètement exténué, cela faisait bien longtemps et je dois avouer que ce genre de fatigue me manquait. Ces derniers trois jours ont été un grand moment, le genre de réjouissances qui m'attendent une fois ma RP obtenue. En attendant voici un petit retour de ce charmant week-end camping.



Mercredi : Jour 1

Aujourd'hui je travaille de 12 à 20h. Le plan étant de partir le soir même directement au point de lancement de notre canot quelque part perdu sur la Canol road à 3-4h de Whitehorse. Philippe s'occupera de tout mais je dois tout de même aller m'acheter un peu d’équipement avant d'aller travailler. Je fonce donc chez Canadian tire acheter mes répulsifs a ours (bear spray et bear banger), un gros duvet, matelas de sol, des gants et un nouveau pantalon de pluie.

Une fois arrivé au boulot je croise la boss et me sens oblige de la prévenir de l’événement.
- Je voulais vous dire, je pars la chasse ce soir et pour mes deux jours off. Ma priorité étant de revenir pour samedi a 2h pour mon shift, mais bon... vous savez c'est la chasse au Yukon et en canot....
- Oh wahou génial ! Ok alors ce qu'on va faire.... Pourquoi ne pas prendre ton samedi en plus pour pas que vous soyez dans le rush ? Mon mari part a l'orignal aussi alors je sais un peu ce que c'est...
- Oh euh ???? Oui bin c'est peut être plus sur ok. Je vous dois déjà beaucoup mais si je reviens avec un orignal je vous en donnerai un bon steak !

Mon shift terminé je fonce a la maison, mon partenaire n'a pas l'air d’être la mais je me prépare le plus vite possible. Je récupère deux drybag qui traînent dans l’entrée, ramasse quelques affaires dans ma pile de linge. Philippe arrive finalement "Ok let's go, on passe voir Raymond et on dépose Lola chez Heather". Les passages chez les proches de Philippe prennent parfois des allures d'adieu, le stress et l’excitation commencent à sérieusement monter. "Ok, on va la, on fait ca, si pas de retour avant dimanche 14h alors..." Heather note soigneusement les informations sur un petit papier. Tout se passe toujours comme cela quand on part dans une petite aventure au Yukon. Même si elle sait que Philippe connaît ce dans quoi il s'embarque, après avoir quelques "espérons qu'il ne fasse pas trop froid", "que l'orignal ne soit pas trop gros" et "qu'on ne croise pas d'ours". Un dernier petit adieu a Lola. Les chiens savent quand on s'en va, habituellement quand son maître part elle vient directement me voir, mais la les deux s'en vont et elle est bien triste. Qui sait, elle aura sûrement un gros no-nos en rentrant.

22h, départ de Whitehorse. Philippe n'est pas un couche-tard et si la première partie est une belle highway, la seconde, la Canol est réputée pour ses trous, boue, grosses cotes et descentes. On arrive vers 1h du matin dans une petite aire de camping qui sera notre point de sortie. Pour éviter de perdre du temps, je dors dans la voiture, dormir avec les attaches des ceintures de sécurité dans le dos ça m'avait manqué aussi. Le thermomètre tourne autour de 0 donc tout va bien.


Jeudi : jour 2

Le matin, on se fait un petit feu rapide pour le petit déjeuner et le café. Pour faire la navette entre notre point d’entrée et point de sortie, Philippe a l'arme ultime : la moped. Il s'agit donc d'aller la planquer dans les bois puis de se rendre en voiture au point d’entrée. Une quarantaine de minutes de route dans un décors fantastique : montagnes enneigées, foret a perte de vue, jaune et rouge automnal... et du beau temps. Un petit tétra sur la route aurait bien fait notre déjeuner mais il s'est un peu perdu dans les bois au bord de la route.

La moped (notez la roue et la fourche avant)

Depart
Une fois le canot à l'eau et chargé, l'aventure commence. "Si je te dis baisse toi, tu te baisses. La cervelle de Morgan dans mon orignal je ne pense pas qu'ca goûte bon !" sera certainement le meilleur conseil que mon ami armé m'aura donné. La rivière est calme, une petite descente sans risque mais qui demande du coup de pagayer beaucoup pour avancer un petit peu. Nous nous arrêtons de temps en temps pour aller observer à pied ou rejoindre des petits étangs non loin de la rivière. On peut croiser un orignal partout, mais ils sont particulièrement friands de ce genre de place. Il a plu les traces sont fraîches et profondes. Il arrive quelque fois de croiser des traces d'ours, elles sont la juste pour vous le rappeler : ici on est au pays des ours. Si on veut en voir quand on vient en vacances au Yukon, on ne veut pas trop en croiser quand on part en promenade ou à la chasse.

Les déplacements dans la "foret" marécages sont loin d’être une promenade de sante, mais je m'y sens toujours aussi bien. Finalement la seule chose vraiment importante dans l’équipement sont des bonnes bottes et éviter les flaques plus profondes qu'une hauteur de botte. Le canot est un véritable luxe, ce n'est pas comme partir simplement a pied avec tout son équipement sans cesse sur le dos. Nous avons une grosse caisse de bouffe, une caisse avec les ustensiles de cuisine, bâches, tentes, des drybag avec nos affaires, et beaucoup de sacs à viande.

Les paysages je les qualifie de merveilleux. Au final ça peut être vu comme très redondant. Épinette, épinette, bouleau, épinette, tremble, épinette...  Au milieu de ça, une petite rivière qui serpente et rien d'autre que le bruit de la nature et de nos rames. Je me sens si bien loin de la grosse ville et de ma vie en uniforme. Il nous arrive tout de même d'entendre quelques avions. Le niveau des eaux varie énormément suivant les saisons, les traces des dernières crues sont clairement visibles.

Nous nous sommes arrêté (je pense vers 17h) sur un endroit parfait pour le campement, avec une petite marche menant à un beau petit étang. Pour cette aventure j'ai récupéré une tente à Philippe qui avait des "problèmes de poteau". Je l'ai surmonte d'une bâche vu que la couche imperméable ne convenait pas.  Il ne faisait pas totalement nuit quand je me suis endormi mais il pleuvait déjà depuis une bonne heure. La pluie sur la tente, le bruit du vent dans les arbres et sur la bâche.... Les bons souvenirs de mon été à Dawson remontent. En m'endormant je pense à diverses choses :
- Suis-je assez loin de la bouffe ? (10m ou alors c’était des pieds ?)
- Dans quel sens vient le vent ? Que je sache si mon spray a ours peut me servir ? D'ailleurs un spray ca marche pas quand il fait trop froid ? Si ?
- Si un orignal croise une tente, s’arrête-t-il et la contourne-t-elle ? ou alors il fait comme partout dans le bush, il avance et piétine ?
- Ce bruit de branche qui craque c'est quelque chose qui marche dessus ou c'est le vent ?
- Dort-on mieux dans le bush avec un fusil a portée ?
- Pourquoi un sandwich végétarien avec supplément bacon est plus cher qu'un bacon avec des veggies ?
- J’espère que Lola n'est pas trop triste.
- Pauvre petit Angus... Il a certainement une belle place au paradis des toutous :(
- Rohlala si ma Louloute savait...

Réveillé en plein milieu de la nuit, le vent a redoublé ainsi que la pluie, un coin de ma bâche est parti et je dors directement sous la pluie non loin d'une flaque qui s'est formée dans la tente. Le temps d'aller réparer l'accident mon duvet tout neuf est déjà mis à rude épreuve. Les joies du camping, dormir mouillé dans un duvet mouille, ça aussi ça me manquait.


Vendredi : jour 3


Pas de pluie, et un début de journée qui s'annonce ensoleillé. Un feu difficile à démarrer, des affaires qui sèchent, encore un petit tour à l’étang. Grosse bouffe avant une longue journée à ramer. Vu que j'ai mon samedi on avait dans l’idée de faire deux fois la descente mais cela semble déjà pas mal compromis étant donné que nous ne sommes qu'a la moitié de notre première descente.

Encore des canards, des huards, des loutres des castors et toujours ces grosses traces de notre steak. La petite famille loutre (elles étaient 5) a foncer dans l'eau pour se réfugier dans leur tanière. Une est restée dehors pour nous observer en faisant des bruits très étranges. Jamais je n'aurais pense qu'une loutre avait ce genre de mot dans son vocabulaire. C'est ensuite le tour du castor qui a du lutter entre méfiance et curiosité pour finalement nager non loin de nous. Je ne vois pas meilleur moyen que le canot pour se déplacer et profiter de la nature. Mes oreilles sont si polluées par des bruits de voiture ces derniers temps que j'ai l'impression de redécouvrir des sons.

Les arrêts seront plus courts et moins fréquents. Un vent de face est devenu notre ennemi on a l'impression de faire du sur place. Si on donne en gros un coup de rame toutes les 5 secondes, en fin de journée on ne pense qu'a "bouffe" et "dormir". L’idéal serait d'attraper un orignal maintenant mais ils n'ont pas l'air de le vouloir. J'en ai déjà plein les yeux vu qu'il m'en faut peu, mais nous sommes venus ici pour un travail : découper une grosse vache a longue patte et la ramener dans le congélateur. Certainement la tache qui me sera la plus difficile mais c'est le défi que je me suis lancé, je pense que j'agirai sans trop réfléchir  (comme on ferait des sandwichs finalement...)

Après moultes virages et une grosse journée à pagayer on arrive a notre point de sortie. La suite du plan est donc clair, je reste la avec tout le matos et Philippe repart en moped (avec le fusil sur le dos, on ne sait jamais des fois qu'il croise un orignal...) pour retourner chercher la voiture. Il n'a pas de lumière je lui laisse ma frontale au cas ou. 

Le weekend approche chasseurs promeneurs canoteurs sont de sortie, ce mini campround vide 2 jours avant est plein (3 voitures). Je m'allonge sur le bord de la rivière histoire de récupérer et j'entends la conversation de ce couple de touristes allemands parlant avec un canadien (Allen). Les beautés du Yukon, la "pauvreté" des "autochtones" de ces petits villages tout passe brièvement dans leur conversation. Le ton baisse mais j'entends toujours :
- Et eux vous savez ce qu'ils font ?
- Hmmm probablement chasse. 
- Mais quoi ? et en canot comme ça ?
- Y a beaucoup d'orignal dans le coin, et souvent la chasse s’arrête ici, on peut rejoindre Teslin si on continue mais c'est une réserve donc on ne peut plus chasser. 

Arrivée
Il voyait juste, il semblait très averti et avait vécu plusieurs années au Yukon selon ses dires. Ce couple allemand retraité ont apparemment était choqué de voir Philippe partir avec sa mini moto et son fusil. Moi, plein de boue (j'ai la tenue pour me rouler dedans en même temps...) allongé à regarder le ciel, je ne devais pas leur inspirer confiance non plus.

Action réaction j'en ai pour deux heures minimum avant qu'il revienne mais cela pourrait être beaucoup plus long, je vide le canot, met tout le matos à l'abri, commence à ramasser du bois
et le couper pour me faire un petit feu avant qu'il ne fasse trop noir. Allen vient me voir et prend la température :
- Vous chassiez depuis la Rose river ?
- Oui il chasse, moi...
- Toi tu es le second, cook et aide coupe-viande ! (rires)
Je raconte brièvement l'aventure et le pourquoi on se retrouve la. Il en vient a vouloir à tout prix à me donner du bois et la conversation continue.
- Tu me dis quelque chose... Ta voix me dit quelque chose. Tu es au Yukon depuis combien de temps ?
- Un peu plus d'un an, en ce moment je suis sur Whitehorse, j'ai passé quelques mois à Dawson la saison dernière.
- Dawson c'est ça ! C'est la que je t'ai croise ! Tu avais un gros sac rouge sur le dos et tu m'as dit que tu montais de l'eau à ta tente !
- Ah oui ca ressemblerait à moi ça ! Désolé je ne me souviens pas du tout... c'est tout de même fou comme le Yukon est petit ! 
Nous continuons encore sur ces bizarreries yukonnaises finalement récurrentes, tout le monde en a au moins une à raconter... J'ai finalement totalement oublié le feu de mon coté, et Philippe revient avec le truck. On se fait un rapide dîner et on décide de rentrer. Un jour pour descendre la rivière serait une trop grosse journée qui laisserait de toute façon peu de place pour découper et charger la viande de cet éventuel pauvre élan.

On roule de nuit il est tard on décide de s’arrêter pour dormir quelque part sur le bord de la route, on se lèvera tot et on en profitera pour jeter un dernier coup d’œil pour notre steak. Une dernière nuit version ultra courte.

Samedi : jour 4 

4h plus tard, au petit matin :
- Ok go Whitehorse.
- Pas d'orignal mais on peut aller faire du bois du coup aujourd'hui.
- Excellente idée !
Dans la guerre j'ai perdu mes lunettes de vue... C'est chiant, heureusement que j'ai une paire de rechange à la maison... Je pense les avoir laisse quelque part au campground mais bon refaire 150Km pour chercher des lunettes perdues...
En arrivant à la maison, même remarque :"La maison parait vide : y'a pas Lola :(" Douche, café, bouffe et go cueillette de bois. Ceci est une autre histoire mais je l'inclue totalement dans mes vacances, la, fatigues mais accomplissant une mission essentielle pour le long hiver qui arrive.  Les widowmaker (faiseur de veuve)  n'ont pas réussi à nous écraser cette fois. Couché tôt et gros dodo. Des vacances comme ça j'en veux encore !


Les jours suivant à faire des sandwichs ont eu un goût particulier. Rien que les routes goudronnées et toutes ces voitures...On est si bien avec sa tente dans le bois. 

Le lundi, ce Allen, croisé sur une route perdue au milieu de nul part qui va nul part, arrive dans mon beau fast-food. Je ne le reconnais pas sur le coup et me dit :
- Eh Morgan, vous n'avez pas vos lunettes hein ?
- Hey, ne me dites pas que ??!!
Il me rend mes lunettes me raconte sa trouvaille mais le plus étrange reste le comment il m'a retrouvé.... Il est allé voir un Scott, un loueur de canot qui connaît Philippe. Moi je ne le connais absolument pas et ne suis jamais allé la bas... Mais il se trouve que ce Scott savait que je travaillais ici... Encore une petite coïncidence, ou "signe étrange", ce n'est plus une première mais celle-ci restera parmi mes favorites. 

Je n'ai finalement pas pris beaucoup de photos, la dernière fois en canot, j'ai perdu mon appareil alors la je n'ai jamais trop osé le sortir. C’était pourtant une belle occasion mais elle se représentera, je regrette aussi de ne pas avoir écrit a chaud ou pris des notes.




8 comments:

  1. T'as bien raison, le canot c'est le grand luxe!

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    1. Je poursuis mon entraînement. Bon voyage en Patagonie ;)

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  2. JE t'envie toujours un peu !!!

    Mais tu vas pas me faire croire qu'un ours qui a la rage et qui défends son territoire est arrêté par un spray anti-ours ?

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    1. En tout cas ca marche sur un écureuil qui voulait ma tartine de beurre de peanut

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  3. Bouh, Angus... :(
    Chouette récit anyways, je vous envie Philippe et toi ! Passe lui le bonjour de ma part, je passerai boire une bière chez vous à l'occaz ;)

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    1. Le bonjour de ta part a ete passe. Mais pour ce qui est de la bière tu sais très bien que les yukonnais n'en boivent pas qu'une :p

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