Tuesday, April 10, 2012

L'annonce du printemps vol.2

L'an dernier dans ma petite ferme au fin fond de l'Outaouais (au Québec donc) l'arrivée du printemps avait été un évènement plus que remarquable. Ici, avec ces histoires de soleil qui fait n'importe quoi la nature réagit au quart de tour. Hier, dimanche 8 avril 2012, c'était encore l'hiver mais depuis ce matin on a changé de saison. Ce n'est pas tant le redoux qui me fait dire ça (il fait entre -10 et +10), une petite vague de froid ou de blanc est vite arrivée, ça avait d'ailleurs été le cas déjà au Québec, mais certains signes ne trompent pas : Dame nature s'est réveillée.

Depuis quelques jours la neige fond, une véritable horreur en vélo, je préférais la glace. Ciel bleu et  soleil ce matin à 8H30 déjà, dur de se dire qu'il y a un mois à cette heure il commençait furtivement à se lever et que ce matin il s'est levé 2 heures avant moi. Si on occulte cette histoire d'heure je ne connais que trop bien ce que peut cacher ce genre de ciel bleu magnifique et soleil : un grand froid, rien de telle qu'une bonne petite couverture nuageuse pour se tenir au chaud. Mais je sens le plus gros derrière moi et  commence donc fièrement à retirer les couches histoire de profiter de ce gros -7°C comme d'un petit -40°C.  Ceci bien évidemment en omettant sans vergogne la loi universelle : "En avril ne te découvre pas d'un fil". Au final cette expérience fut concluante, je me suis bien gelé mais mes poils de jambes m'ont remercié de re-pouvoir enfin respirer et prendre l'air. 5 mois emprisonnés dans des collants ça marque un poil.

Journée morte, tout le monde a été lâché une ou deux heures en avance. En sortant du boulot toujours le même ciel et grand soleil comme un bon début d'après midi. Whitehorse a achevé sa transformation dans la journée. Le soleil a suffisamment de présence maintenant pour faire le rôle qu'on lui attribue si facilement : réchauffer, le thermomètre affiche +8°C. Le blanc a laissé place à cette poussière et cette crasse, la ville est presque redevenue telle que je l'ai connue. Si ce matin je regrettais de ne pas avoir gardé ma cagoule pour éviter de me geler le nez, ce soir (après midi ?) je regrette de pas l'avoir garder pour toute la poussière, gravillons et autres qui volent tous dans ma direction quand je croise une voiture. 

Arrivé à la maison version blanc poussière, je gare mon deux roues à son fidèle emplacement et je papote rapidement avec le voisin en T-shirt dans le jardin entre les deux canoës ressortis des neiges,   sans ce détail je me voyais  sous un pin de Provence en été avec les cigales. Comme si inconsciemment la place du soleil dans le ciel a un moment donné représentait une saison. En effet déjà maintenant mes jours correspondent (en terme de longueur) aux jours les plus longs des jours provençaux d'été. Heureux de marcher dans le jardin dans en endroit jadis inaccessible converti en magnifique flaque de boue, et d'échanger des histoires d'hiver comme si on échangeait des vieux souvenirs. Je décide de prendre le vélo pour une petite balade, il va falloir s'y remettre un jour où l'autre et la motivation est là alors go go go.

Je l'enfourche et il se dirige machinalement vers la ville (5 mois qu'il fait le même trajet). Je m'amuse a faire des gros écarts, hier encore c'était une gamelle de plus assurée avec la glace. Je passe pour la nième fois sur ce pont un des premiers groupes (si ce n'est le premier) de migrateurs plumés version gros coin coin me passe juste au dessus de la tête pour atterrir sur la rivière qui a commencé à dégeler depuis quelques jours. Les cygnes sont là ! Mon vélo se dirige naturellement vers les volatiles en traversant des zones que j'avais nommées "interdites" ou "dangereuses" pendant l'hiver, je me sens libre comme le vent. 

Je reste assis dans des derniers vestiges de neige-glace en ville sur les bord de la rivière à observer de loin les premiers cygnes. Parfaitement au calme et pourtant à 30m du premier parking, une pie commence l'approche  en se posant sur l'arbre juste a coté de moi et montre fièrement qu'elle est restée tout l'hiver, elle ! "Sale bête" me dis-je en savourant néanmoins la discussion avec n'importe quel animal que ce soit. Même elles ici font un bruit différents, c'est tout de même hallucinant ces différences de langues !  Un corbeau, ayant  entendu notre discussion se pose juste à coté pour la chasser. Pas bête l'asticot, il sait très bien que des miettes de n'importe quoi pourraient tomber de ma poche et en plus j'ai l'air d'essayer de communiquer. Il commence ses chants et ses bruits si étranges. 

Lui ce n'est pas n'importe qui, c'est l'emblème du Yukon, il était là tout l'hiver par -40°C aussi, il sait être convivial avec les bipèdes respectueux, et pour avoir discuter avec un perroquet pendant deux ans je peux vous assurez que ces corbeaux font eux aussi des sons sortis de nul part. Une conversation s'amorce, à propos du printemps et des nouveaux  venus il a l'air heureux et ne s'arrête plus de parler. Je me retourne par moment pour observer qu'un animal de mon espèce ne s'approche pas trop, il me prendrait pour un fou. Parler français (de France) à un  grand corbeau yukonnais (du Yukon) j'avoue que c'est osé. Pour montrer que je cherche à m'intégrer j'essaie de refaire ses sons mais  mon pauvre french-accent humain n'a pas tous les effets escomptés. Non certain d'avoir tout saisi,  je pense que l'essentiel y était. 

Absorbé par ce petit cadeau personnel de la nature qui aura duré une bonne demi heure, je n'ai pas entendu le bipède qui passé sur le chemin derrière moi pendant que je disais au revoir à mon ami à plume. "J'aimerai bien savoir ce que vous vous racontiez" me dit-il en rigolant. C'est un petit pépé fort sympathique  que je connais, je l'appelle "no hot peppers" mais il vient quotidiennement surtout pour sa soupe et son café. "Tu ne fais donc pas que des sandwichs, tu parles aux oiseaux !?" ajoute-t-il avec le même rire. ". "Nous parlions de printemps et de l'arrivée de cygnes, ils sont juste là".  Une autre dame arrive en vélo s'arrête pour les regarder. Nos 3 paires d'yeux s'illuminent et le même sourire béa s'inscrit sur nos visages.

Je reprends mon vélo et je remonte vers la ville. Malgré le soleil les rues sont désertes et horriblement poussiéreuses. Tellement que Dawson City me revient automatiquement en tête. Là voilà de retour ma belle capitale des mineurs du nord (vision bien réductrice mais peut être parlante...). Durant ces mois d'hiver les rues étaient encore animées ; à cette heure, c'était l'heure des bars. Ca ne dure pas, demi-tour je retourne à la rivière, direction castors... Là encore en flânant je croise quelques promeneurs les yeux brillants en regardant la rivières et en l'écoutant faire du bruit à nouveau, à chaque fois un petit échange comme si il était impossible de ne pas échanger avec un autre "rescapé" de l'hiver qui contemple LE jour où la nature se réveil. 

Il est 8h du soir et le soleil est encore là pour presque 2h. Les castors se sont remis au travail mais je n'ai vu que les blessures du premier arbre attaqué , j'ai également vu mes premières traces d'ours, la nature est d'ailleurs si bien faite que la chasse à l'ours commence la semaine prochaine. Le sol est le même qu'il était juste avant la grande période de congélation commencée 6 mois plus tôt. Les feuilles mortes de l'automne sont toujours là, la pause hivernale est terminée, les écureuils qui étaient timides cet hiver ont repris leurs "doux" cris stridents. 

Beaucoup de locaux sont de retour également. Voila une phrase étrange mais ne nous le cachons pas, ici aussi beaucoup de personnes ayant vécus un grand nombre d'hivers décident de partir non loin de l'équateur ou mieux dans l'autre hémisphère. Des connaisseurs (mon proprio par exemple) reviennent comme par hasard ce jour précis... Laissez nous encore quelques jours et notre boue sera devenue grande étendue verte, nos nounours auront les dents propres pour accueillir  les touristes  qui ne devraient plus trop tarder mais qui louperont de peu les dernières aurores boréales. 


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