Friday, November 16, 2012

Les choses se compliquent

Presque un an que je suis formate en fat12'', rallumer mon neurone devient mission impossible. J'ai essayé d’établir une connexion avec mon (ex?) fidèle ami, mais étant enfermé dans un sombre placard, je crois qu'il a décidé de me faire véritablement la tête. Nous sommes un couple, c'est a moi de prendre les choses en main si je ne veux pas que, comme toujours, ça se termine lamentablement et qu'il finisse par aller se promener sur le dos de quelqu'un d'autre.

La RP est là mais rien n'a changé, je ne me sens pas plus ou moins heureux, aucun castor ne m'a félicité. C'est une bonne chose de faite certes (la plus importante certainement). Étrangement durant toutes ces démarches il n'y a pas eu de stress ou d'impatience inconsidérée. Pour garder le moral dans les conditions qui m’étaient "imposées", je n'avais pas le choix : penser et vivre sandwichs. Ca a tellement laisse de séquelles que je n'ai toujours pas démissionné, et j'ai hâte de retourner manger mon Italian BMT quotidien depuis 11 mois. Pour mon dernier jour j'oserai peut être lui ajouter deux fines lamelles de bacon qui me font de l’œil depuis si longtemps.

Pour l'instant, ni bacon ni sac à dos pour m'aider : les temps sont durs. J'avais dit RP-> Démission -> Retour en France -> ?. Tels étaient les plans de celui qui n'en fait pas. Les sandwichs ont fini par me rappeler à ce qu'on nomme parfois la raison (l'argent?). Il était si facile de tomber sous leur charme, eux qui se vendaient comme des petits pains ont aussi contribué à remplir modestement mon compte en banque.

Les tentations sont grandes, les réelles nécessités sont moindres mais au final mes économies ne sont pas si énormes. Un vol dans la mauvaise période des fêtes les entamerait sérieusement ce qui ne revient à rien d'autre que "c'est faisable". Je suis parti d'un pays riche pour venir dans un pays riche et je peux toujours jouer au riche (pas trop souvent tout de même).

Changer de pays avec quelques milliers de dollars et un sac a dos ça ne va sûrement pas résister au temps. Il m'arrive de rapidement avouer que je ne pense pas au futur mais ce n'est finalement pas exact. Je me projette souvent dans un avenir imaginaire plus ou moins probable et j'essaie de voir le plus objectivement possible comment j'y réagirai. Je garde tout de même comme lignes directrices :
 - Penser au futur ce n'est que pour combler le (perdre du ?)  temps.
 - Dans cette infinité d'avenirs imaginaires celui qui se produira sera  très certainement un qui n'aura pas été imaginé.

Ce petit jeu d'esprit m'a amené (entre autre) en France avec mes proches et face à mon incapacité à témoigner un quelconque enthousiasme quant à mon voyage. Raconter oui, mais quoi ? Je ne suis parti que depuis un peu plus de 20 mois mais j'ai l'impression que ma première année de vadrouille est déjà loin et la suite n'aura été que la vie d'un  piètre sandwich artist... Je suis parfois confronté à l'extraordinaire imaginé par mon entourage que je compare à la banalité effective de mes "aventures". Je suis vu comme le grand voyageur alors que je suis enchaîné depuis un an et n'attends que ça : "voyager".

- Wahou le Canada ! Il faisait pas trop froid ?
- Oh beh... Avec un bonnet ça passe.
- Tu as fait du chien de traîneau ?
- Non. Mais on dit "T as tu fait du traîneau à chien ?"
- Tu  as du t'empiffrer de sirop d’érable.
- Non, par chez moi y a pas d’érable. Y a du sirop de bouleau, c'est pas très bon mais pour faire style on dit que c'est excellent.
- Tu es allé voir un match de hockey ?
- Non.
- T'es allé faire un tour aux US ?
- Non, j'ai juste dit "Hi" aux douaniers en Alaska et j'ai fait demi tour. Il parait que ça tire à vue dans ce pays. 
- Bin qu'est ce que tu as fait alors ?
- ... J'ai appris 'massicho', 'magandang gabi bayan', et que Black&Decker ne se disait pas Black et d’équerre (tout un monde qui s'est écroulé ce jour là en passant)

Rentrer est un devoir que je m’étais fixé en cas de résidence permanente ; comme un petit retour aux sources avant de véritablement commencer ma vie de canadien. Je suis parti en disant "à dans un an", et bien qu'ayant toujours été en retard, celui-ci (d'un an) est un record. Ça ne sera qu'un bref retour. D'une part parce que les jours passés en dehors du Canada me sont comptés si je veux conserver mon statut et/ou demander la citoyenneté. D'autre part, j'ai encore beaucoup à faire pour devenir un castor pouvant accueillir du monde dignement. Sans omettre bien évidement mon devoir conjugal qui reste la plus grosse variable (il a bon dos mon sac).

Ce retour m'angoisse, certainement bien plus que mon départ il y a deux ans. Il m'y renvoie directement comme un retour dans le passé. Je n'ai pourtant rien contre la France contrairement à beaucoup qui tentent l'aventure de l'expatriation. Il me tarde de revoir mes proches et de pouiquer avec ma louloutte devenue sourde et certainement un peu plus grisonnante. Si je sais un peu mieux ce que "manquer" veut dire je sais aussi que ce manque ne se comblera pas. Je vais rentrer, ça va être fort sympathique et le temps s’écoulera toujours aussi rapidement. Je repartirai pour de nouveau revivre avec ce manque. Certes j'aurais pu rêver d'une vie dans le sud de la France avec l'essentiel de mes amis à portée, malheureusement mes rêves ont choisi d'aller un peu plus loin et moi de les suivre.

La théorie dit que je pourrais démissionner tout de suite. Ca n'a toujours pas été fait et que légèrement annoncé. J'imaginais pourtant cette étape comme la plus simple. J'ai pris soin de ne pas trop parler boulot sur ce blog mais je vais tout de même raconter brièvement cette magnifique journée.

Ce matin je dois remplacer quelqu'un à 8h (exceptionnel pour moi et un bon moyen de me tuer). Je me lève donc a 7h, presque 3h avant le soleil, j'enfourche mon vélo sous une belle tempête de neige, des températures relativement clémentes  (-19) une bonne fièvre 58 degrés au dessus, ORL capoute, membres et dos sérieusement courbaturés. Pas de souci l'an dernier j'ai eu la même : immigrer c'est aussi apprendre à notre système immunitaire à communiquer avec ses nouveaux amis microbiens. Le vent facial est violent et affreusement chargé en flocon, il m'est quasiment impossible d'ouvrir les yeux et je rigole tout seul sous ma cagoule et me disant "En fait ils ont peut être tous raison : je suis peut être vraiment fou ?". Je reste méfiant tout de même, je circule au milieu de toutes ces voitures, de nuit, et hier il y en a une qui a failli partir avec une de mes jambes. La journée fut particulièrement longue, j'ai été incapable de la faire passer en blagounette. A 5h mon shift se termine, il fait nuit, toujours de la fièvre, il a neigé toute la journée le retour en vélo s'annonce dangereux quand je me retrouve sur mon chemin habituel mais  avec de la neige à mi-roue.

Ceci n’étant qu'une journée parmi plus de 300 autres pourtant je suis toujours là. En plus de cette peur de rentrer je suis un fils indigne. Ma famille se préoccupant du froid et de mon peu d'affaire encore viable m'envoie un carton rempli de vêtements et une veste digne de ce nom (merci Laurent et maman :) ). Toujours aussi peu prompt aux gentillesses, je n'y voyais que contrainte logistique pour la suite de mes aventures et ne manquais pas de le faire savoir. Pourtant j'ai été heureux de recevoir ce carton rempli d'amour. Je n'ai jamais été à l'aise avec les cadeaux et les remerciements qui en découlent, ils me dérangent et sont rarement accueillis à leur juste valeur. C'est sur ce genre de cruel défaut qu'il est bon de glisser un "on s'refait pas" mais je tenais à m'en excuser par ici.

Je ne sais pas si je vais résister au choque culturel, si ce retour en France ne va pas brouiller la belle image que j'en garde. Bien que tout ceci me préoccupe, c'est bel et bien la suite de mes aventures au Canada qui surcharge l’activité électrique de mon neurone et qui perturbe quelque peu mon présent.

Possibilités :
1 : Vacances
2 : Voiture
3 : Travail
4 : Inconnu
Prenant en compte la conjoncture économique de mon compte en banque et omettant 4 il en résulte :
Si 1 alors pas 2 et pas 3
Si 2 alors pas 1 et sûrement 3
Si 3 sûrement 2 (+bonus optique) et pas 1


Raison et saison me poussent à choisir 3 mais la sauvegarde de mon couple exigerait un 1 en tête à tête. 2 est parfois tentant, parfois une obligation (en fonction de 3) mais ne sera jamais rien d'autre qu'une formidable capacité à dilapider mon compte en banque. Quelque soit le choix l'omniprésence du 4 est finalement la seule chose à peu près certaine, et comme il est bon de savoir où on va ceci me rassure quelque peu.

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