Monday, January 7, 2013

Nagrom au pays des sandwichs (final part)

Chacun ses raisons d'immigrer, mais le jus de migrants dans lequel j'ai baigne tendrait a prouver que les raisons économiques restent  le principal moteur. Vu par mes camarades de travail je suis l’incompréhension incarnée. Je viens du pays de la "Eiffel Tower", de celui du luxe, du bon, du beau et du romantisme. Étant français je suis forcement riche, je n'ai donc aucune raison d'immigrer. Pour mes compatriotes je suis souvent vu comme celui qui a osé, qui a bien eu raison de quitter son "pays de merde rempli de con", de fuir le facho Sarko (ah non c'est l'autre...) et qui réussira parce qu’il a choisi le rêve américain (ah non c'est l'autre...). Mais moi tout ce que je voulais c’était vivre au pays des castors...
Boss : Tu n'oublieras pas de marquer ton nom sur la feuille pour la soirée.
Moi : Ok boss, et pour la case "wife" ?
Boss : Oh bin tu te rappelles la cliente hier qui m'a dit "Rohhh il a l'accent français ! C'est trop craquant !" Il te suffit de parler pour en trouver une... (rires)
Moi : Pour l'instant ce n'est pas très concluant boss. Mais j'ai déjà demandé à Atsushi si il voulait bien être ma femme d'un soir. Et qui sait, les histoires d'amour commencent toujours ainsi n'est-ce pas ?
Boss : (rires) Vous allez avoir des problèmes techniques.
Moi : On s'en accommodera (clin d’œil)
Boss : (rires)

Avant de pouvoir me rapprocher de mes amis à queues plates, j'ai du accomplir ma mission de sandwich artist en validant tous les objectifs secondaires. Pour la première fois dans ma vie je quitte un boulot avec de grands regrets. Je n'imaginais pas apprendre autre chose que le nombre de tranche de jambon que nous sommes censés mettre dans un sandwich d'un pied de long. Si j'aime travailler plus que tout ce n'est que la découverte et l’amélioration qui me permettent de tenir un petit instant dans une entreprise avant de tourner en rond et de la quitter. 
Ami québécois : Mais je comprends pas pourquoi ? Pourquoi autant de philippins ?
Moi : Tu penses vraiment qu'un canadien rêverait de venir dans le grand nord pour gagner un salaire de misère ? Pour nourrir des mineurs qui gagnent 40 piasses de l'heure il vous faut des philippins qui touchent 4 fois moins.
Ami québécois : Mais pourquoi les philippins ?
Moi : L’économie de leur pays fonctionne en grande partie avec tous les migrants qui envoient l'argent au pays. Ceux avec qui je travaille ont déjà travaillé dans plein de pays : Singapour, Taïwan, Dubaï, Koweït... Après clairement le Yukon ça peut être un chemin plus simple pour immigrer. Une fois qu'un a mis le pied son but est de faire venir sa famille d'abord la proche puis plus éloignée. Au final il doit y avoir seulement 5 familles différentes pour les 30 philippins avec qui je travaille.
Ami québécois : Ils en ont de la volonté !
Moi : Tu sais si les français avaient autant le désir d'immigrer, je pourrais dire "Au Yukon tu peux avoir ta RP en 6 mois" et crois moi plutôt que d'avoir une invasion asiatique ça sera plein de français. Mais en général on immigre pour une meilleure vie et pour un français venir ici pour toucher le salaire minimum ce n'est pas vu comme une ascension sociale classique.
Ami québécois : Le mystère maintenant c'est toi alors. On parle de ton immigration mais au final je crois qu'on ne peut pas comprendre tant qu'on ne le vit pas... En tout cas moi je n'en serais pas capable.
Moi : Ils sont clairement des migrants pour des raisons économique, moi je pense juste être amoureux du Yukon.
Chaises musicales version philippines
Ma stratégie de formatage avait pour but d’éviter tous les facteurs habituellement limitants. Je ne voyais pas ce qui, après 2 semaines à faire des sandwichs, aurait pu me motiver. En empêchant mon cerveau d'y penser le temps est passé exceptionnellement rapidement. Mais j'avais fait une énorme erreur d’appréciation quant à la véritable leçon de vie que j'allais recevoir au milieu de mon équipe d'artistes internationaux et grandement sous-estimé ce job qui se sera révélé comme ma meilleure expérience professionnelle (et surement humaine) et ce, de très loin. 

Jason (un client régulier) : C'est ça que j'adore chez vous. Le gars qui prend les commandes vient de France, aux legumes ca parle en espagnol et a la caisse j'ai le fameux photographe japonais... C'est comme si mon sandwich faisait un tour du monde.
Finalement les conditions de travail sont souvent bien plus importantes que le boulot en lui même. Travailler dans une langue qui n'est pas la sienne ni celle de ses collègues de travail apporte une touche d’originalité non négligeable. Mais l’échange culturel aura été unique. Ceci n'est qu'un petit mot, mais de le vivre au quotidien fait comprendre énormément de chose sur le monde en général malgré notre isolement géographique. La timidité et réserve japonaise, le Gangman style coréen, la joie de vivre inaltérable et contagieuse des filipinos. C'est dans cet univers que j'ai dû introduire le grain de folie français (personnel ?) et ainsi faire mon trou.
Moi : Boss...? Je suis bien gêné, mais comme vous le savez maintenant que j'ai ma RP...
Boss : Oui, oui tu es libre et je suis content pour toi, tu vas pouvoir grandir.
Moi : Mais si vous avez besoin de moi je peux rester.
Boss : Si tu peux rester pour la période des fêtes ça serait super pour moi.
Moi : Ok pas de souci.
Boss : Tu vas nous manquer et tu sais que dès que tu reviens si tu as besoin de quoique ce soit on sera toujours là.

Depuis l'annonce de mon départ j'ai eu le droit à des larmes, des cadeaux des petits mots tous plus gentils les uns que les autres, des embrassades... Mon devoir maintenant étant de garder contact avec ma famille adoptive, celle qui m'aura permis de rentrer officiellement dans mon nouveau pays. Cela sera néanmoins difficile, mon passé prouve que je n'ai jamais été très consciencieux pour conserver les personnes que j’appréciais dans mes cercles : on ne peut pas prétendre à une vie d’électron libre tout en continuant de profiter de la sécurité de son entourage. Cette année avec comme rôle la mascotte humoristique de la bande me manquera.

Melicio (collegue de travail) : Il faut a tout prix que tu formes Hageon pour qu'il devienne aussi fou que toi.
Moi : (rires) Pourquoi ?
Melicio : Qui va nous faire rigoler maintenant. Qui règlera les conflits par des blagues ?
Nous avons finalement eu une petite fête pour noël. Tout était organise par mes camarades. Jeux, karaoke, fous rires... J’étais totalement spectateur et pour la première fois j'avais laisse mon costume de clown à la maison. Je me rendais compte a quel point ils allaient tous me manquer. Ces migrants et ces travailleurs des "bas-fonds" sont légèrement mis à la marge ont finalement une belle leçon de vie à transmettre.
 
Ninja turtle
Cookie monster
Horny dancer

Night shift crew

Jeudi 10 janvier a 7.00PM sera le moment du grand au revoir et du brulage de mon uniforme. Ça sera aussi la fin de la torture de mes poils... Finalement l'avenir n'est pas si obscur (surtout pour mes poils) mais il va être difficile de retrouver une telle équipe de travail.

4 comments:

  1. Merde.

    C'est beau quoi tu écris.

    Profite bien l'ami !

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  2. hey ! pour copier l'ami :
    Merde.
    C'est beau quoi tu écris.
    :-)
    depuis, il se passe quoi ? en tout cas, je te souhaite le meilleur !!

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    1. Coucou et merci.
      Depuis je suis rentré en France un petit mois et suis revenu dans mon petit nord.
      Si je continue ce blog je raconterais un peu tout ça, mais mes doigts ont décidé de faire grève de clavier tant que mon cerveau restera encore un peu trop en France.
      Excellente continuation a toute la petite famille qui, si mes calculs sont exacts, a du s'agrandir il y a quelques mois. Felicitations

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