Sunday, June 2, 2013

Trip de canot - Carmacks et les 5 doigts rapides


Nous avons parcouru les 380 premiers kilomètres et passé 7 nuits dans les bois pour arriver à Carmacks.  Nous sommes donc sur notre rythme pour arriver en 2 semaines. Je ne me ferai jamais à ce retour à la civilisation. Nous nous arrêtons au camping du coin. Qui dit retour en ville dit forcement chocolat voir burger et glace. Sylvain a l'occasion de croiser quelqu'un qu'il connait, nous décidons donc de rester une nuit de plus. De mon coté je tends donc mon pouce en direction de Whitehorse histoire de commencer à remonter ma voiture.


Pause motorisée



Drôle de sensation d'être assis là, à coté de la station service et d'entendre tous ces sons qui me semblent être une pollution. Quand on fait du stop on distingue deux grands types d'automobilistes. Les locaux qui souvent font un grand signe pour dire qu'ils vont juste dans la subdivision d'à coté. Et les touristes avec leur gros RV qui, bien que scrutant les bords des routes pour des centaines ou milliers de kilomètres, détournent étrangement la tête quand ils croisent un autostoppeur. Je suis un pouilleux crasseux qui sort du bois mais qui se force à sourire pour paraitre plus charmant aux yeux de ses semblables.



Finalement un pépé s'arrête et m'embarque. Ma première fois en stop je ne disais pas un mot, là je n'ai pas arrêté et nous avons parlé de tout. Lui est américain et a préféré venir chez les voisins après la guerre du Vietnam. Il mène une petite vie tranquille non loin de Mayo (une autre toute petite communauté) accompagné de sa petite chienne. En me déposant à la maison il me donne ses coordonnées (un petit plan pour trouver sa maison) et me dit de lui rendre visite quand ça me chante. Nous nous quittons tous les deux ravis de cette rencontre et comptons poursuivre ces conversations.



Gros bec à Lola, retour dans ma chambre, récupération d'affaire et go on retourne en sens inverse. Même si je discute un peu avec Philippe, j'ai tellement de chose à lui raconter mais je suis pressé d'en finir avec cette  pause bien trop goudronnée. Je rencontre au passage deux nouveaux coloc' "Bonjour, enchanté, au revoir, à cet hiver ".



Le souci quand on monte en direction de Dawson c'est que si on ne part pas dès le matin on a le soleil dans la face tout le long du trajet ou la lumière de soirée (sans qu'il ne fasse jamais nuit) qui est celle où on voit le moins. Un ours noir m'a surpris sur la route et un gros bossu a déboulé à la course pour traverser au dernier moment, ce qui est certain c'est que ça court vite ! Tout seul dans MA voiture, avec MA musique sans croiser une seule voiture sur ces 180km. Le couché de soleil sur Fox lake me force à y faire un petit arrêt.



Five fingers rapids



J'arrive à Carmacks vers minuit ou Sylvain m'attend sagement. Nous savons tous les deux ce qui nous attend demain : five fingers rapids - le petit obstacle de la Yukon river. Il sont toujours décris comme pas méchants, loin de ceux que j'ai fait l'année précédente. "Il suffit de bien suivre la droite" .



Si Sylvain ne s'attendait à rien je lui ai transféré un peu de ma pression en parlant de ceux qui s'y retournent chaque année pendant la course. Ils sont repêchés par un bateau on les attend sur le bord avec le feu du thé brulant et tout ce qu'il faut, disent d'abord qu'ils veulent repartir puis, à la limite du malaise demandent une sieste...



On ne doit pas se retourner, pas de bateau pour nous. En plus de cela nous, nous sommes beaucoup plus chargés que ceux qui font la course. Pour en rajouter une couche Sylvain regarde des vidéos sur internet qui montrent une rivière bien différentes que celle qu'on a connu... Un peu de lecture nous signale que le rapide devient plus chaotique si le niveau des eaux est haut.



Il a plu toute la nuit, au réveil la rivière est cruellement montée nous signale le proprio du camping "30cm en moins d'un jour, je ne me rappelle pas l'avoir vu si haute". Nous le remarquons à notre canot qui à l'arrière à l'eau alors qu'il était très à l'écart. Heureusement que nous pensons à l'attacher...



Si j'appréhendais l'obstacle depuis le début aujourd'hui je suis en mode "Let's go". On fera bien, tout se passera bien comme pour la plupart des gens qui le font.



Pour plus d'assurance Sylvain sera en arrière. En quittant la ville il nous reste quelques kilomètres à faire pour rejoindre five fingers. Ils se font sous un bon vent, mon compagnon casse même une rame en forçant pour tenir le canot. On s'arrête une fois, deux fois puis une troisième juste avant les rapides (supposons-nous). Ils sont derrière ce virage, le chef est anxieux, suffisamment pour penser à remettre ça à plus tard sans vent.



Assis dans des tas de "ronce", en tenant la corde du canot, nous sommes là, dans ce qui est tout sauf une zone d'arrêt "normale" à attendre que le dieu Vent nous laisse tranquille le temps de cette épreuve. De mon coté l'envie et la motivation sont à leur maximum mais je ne peux pas brusquer le chef, à l'avant je ne suis qu'un demi moteur. J'ai presque envie de demander à passer aux commandes si lui ne le sent pas. Si j'ai la taquinerie facile c'est le genre de moment où je préfère m'abstenir. Un loupé c'est mort possible et nous sommes deux dans l'affaire.



- Bon alors Sylvain, tu le sens comment là ?
- Mais t'es plus stressé toi là ? Depuis le début tu parles de ça et aujourd'hui tu veux y aller avec ce vent ?
- Bin là moi, je me dis "on y est enfin", on va se régaler, pi on en rigolera comme on rigole des rapides de la Teslin !
- ... y a du vent quand même toujours, j'ai de la misère là à tenir le canot...
- Ce matin c'était horrible mais là ça c'est calmé.



Après une bonne heure de pause on remonte dans le canot, on se met bien sur la droite pendant ce dernier virage puis la confirmation est là. L'ile, la paroi rocheuse, décors suffisamment atypique pour être marquant (sans parler des rapides eux mêmes).



En position à genoux dans le canot pour ce passage les vagues sont grosses, un tourbillon embarque notre pointe complètement sur la gauche à peine les premiers mètres du rapide abordés - une micro seconde de doute "Si c'est comme ça tout le long on va morfler" me dis-je. On veut rester droit, ne pas se faire balloter, éviter de se prendre les vagues de coté.



Une série de grosses vagues nous font bondir, quand la pointe retombe je me retrouve trempé et continue à ramer de toutes mes forces. La vision depuis l'avant du canot  n'a rien à voir avec celle de l'arrière. Sylvain m'a dit par la suite qu'il nous voyait à l'eau après ce bon, la pointe est vraiment passée tout proche de s'enfoncer et prendre l'eau.



L'obstacle se passe non sans effort mais sous des cris de joie intenses (accompagnés de quelques obscénités bien de chez moi). Finalement les vagues du suivant (Rink rapids) sont bien plus impressionnantes mais ceci est une autre histoire... :)

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