Saturday, July 7, 2012

Première sortie canoë au Yukon

Me voilà de retour pour vous conter mes dernières aventures. J'aurais pu appeler cet article "voila pourquoi je suis venu vol.X" mais je crois que je n'ai plus besoin d'expliquer les raisons de ma venue ici. Deux jours off cette semaine, ça fait bien longtemps que j'attendais cela après avoir loupé encore un grand nombre d’événements (course de vélo Kluane Chilkat, saint Jean, Canada day, Yukon river quest  pour ne citer qu'eux). On ne peut pas être un yukonnais si on ne sait pas pagayer. Par chance Philippe (mon proprio-coloc-camarade de "jeux") est un amoureux de canoë et après 20 ans ici il connaît la plupart des rivières du sud Yukon. Si je veux aller chasser l'orignal en canoë avec lui il va me falloir de l’entraînement. Ce jeudi ensoleillé (après 2 semaines de pluie et un jour de neige) se passera donc sur la Takhini river avec un couple d'amis venant d'Old Crow John et Catherine, la célèbre Lola et Samy (le chien qui avait peur de son ombre).

Notre première mission : récupérer le canot de John laissé "quelque part" pour reprendre ses termes. On se retrouve donc dans une cabine au milieu de nul part où, à mon grand étonnement, je reconnais un véhicule et des chiens. Nous sommes bel et bien chez le fameux Nicolas Dory (obligation de cliquer sur ce lien), un photographe français installé ici depuis quelques années. Encore une coïncidence qui aurait pu me couper la chique si je n'avais pas vécu ce genre d’improbabilité quotidiennement depuis maintenant plus d'un an au Yukon - tout le monde se connaît ici. Une fois le chargement effectué, direction Kusawa Lake pour le début de notre aventure.

Qui dit soleil, dit lunettes et elles sont à ma vue. Je n'ai pas remis de lunettes depuis l'automne dernier et c'est finalement plaisant de voir correctement. Grâce à elles j'ai pu repérer un petit grizzli sur la route que tout le monde avait loupé. Mon surnom d'oeil de lynx revient en meme temps que mes lunettes. On en profite pour observer le lac depuis les hauteurs pour vérifier son état. Si je vous ai parlé du risque des lacs en bateau vous imaginez bien qu'en canoë ca peut vite devenir l'enfer. Si à cette distance on distingue des vagues blanches (moutons ou white cap) c'est qu'on risque d'en baver. Il y en a mais par chance le vent sera de dos pour notre descente, en revanche personne n'a jamais vu l'eau aussi haute ce qui promet de belles aventures dans les rapides.

Une fois arrivés au lac, je reçois mon petit cours de 5 minutes sur les différents ordres et termes à connaître. Si par chance les conditions sont loin d’être extrêmes, un accident en rivière est vite arrivé. J'ai déjà eu l occasion de me retourner et de tester la puissance d'une rivière et ses dangers en France, on essaiera donc d’éviter cela autant que possible. Philippe et moi sommes intrépides, deux grands gamins mais nous sommes loin d'être des inconscients. Si la puissance de la nature peut procurer de grandes joies on se doit de penser à tout. Les cas d'hypothermie, de blessures voir de mort ce n'est pas que dans les livres.  

Philippe à l’arrière, Lola (shift load) au milieu, moi à l'avant et nous voila partis pour la traversée du lac. On en profite pour s’entraîner à coordonner nos manœuvres. Faire des entrées/sorties de tourbillons. Tout se passe bien, on montre notre joie en chantant des parodies de l'hymne canadien. Les décors sont tout simplement exceptionnels. Montagnes, grosse foret d’épinettes, eaux claires, températures agréables (je ne parle pas de l'eau). Si vous fermez les yeux en pensant au Canada sans le connaître c'est précisément la que j'étais. J'ai tout de meme pris mon appareil mais par mesure de précaution seulement mon objectif basique, tant pis pour le téléobjectif en cas de bebettes... Après deux heure de coups de pagaie la coordination devient presque instinctive mais je reste très à l’écoute de mon professeur. Un peu plus de maîtrise commence à me faire croire que rien ne peut nous arriver, marre de rentrer et sortir mon appareil du dry bag je le laisse bêtement à portée.

 On s'enfonce dans un n-ième tourbillon (eddy in) l'ordre "cross bow draw" m'est donné pour repartir dans le bon sens et pas se faire happer (eddy out), et sans avoir le temps de sortir ma pagaie de l'eau je sens qu'on penche du mauvais côté et plouf. La fraîcheur de l'eau et le courant ça réveil, mais tout va si vite qu'une fois la tête hors de l'eau je m'assure que tout va bien pour mon compagnon mais la priorité c'est Lola. J'oublie mon franglais et bascule instantanément dans ma langue maternelle. Je ne l'ai jamais vu nager, elle n'a pas de gilet et même si les instincts sont la je m'en voudrais a vie qu'il lui arrive quelque chose. "Je l'ai" on arrive à la sortir et la faire monter sur le canot retourné tout en continuant à être emporté par le courant. On s'en sort non sans difficulté mais sans bobo et mon appareil photo en moins... En espérant que cette stupidité me serve de leçon. 

Persuadé que j’étais a l'origine de la fausse manip' Philippe s'excuse. Lola pendant la manœuvre a changé de côté dans le bateau ce qui a suffit pour pencher le bateau légèrement dans le sens du courant et dans un tourbillon ça ne pardonne pas. Une fois vidé de son eau on remonte dans notre embarcation et la poilue bondit la première dedans très fière d'elle, on peut lire dans ses yeux : "Zou on remet ça !". On continue donc notre descente quelques minutes avant de trouver un coin pour faire un feu, se réchauffer et donner à manger aux moustiques. Voila 3 heures que nous pagayons et les rapides ne sont plus bien loin...

Si jusqu’à maintenant rien n’était spectaculaire je distingue au loin d’énormes remous. "C'est Jaws of death la bas devant, on va voir à pied ce que ça donne avant de se lancer". Voila un nom rassurant pour un simple virage. Philippe et John regarde ça, je leur fais confiance mais quand je compare l'endroit ou nous avons chaviré avec celui là j'avoue avoir un petit moment d’hésitation. On décide de se déshabiller, vider tout notre équipement, attacher les chien à la fin du rapide pour les récupérer ensuite. Nous décidons d'y aller en premier. Interdit d'aller a gauche, interdit d'aller trop à droite. Les vagues sont tellement grosses que nos pagaies ne touchent même plus l'eau. "Paddle hard" on passe finalement les rapides facilement mais trempés. Une bonne décharge d'adrenaline comme je les aime. Nos compagnons ont réussi également à passer les rapides mais ont chaviré juste à la fin : 1 partout balle au centre.

La suite est plus que calme, j'en profite pour scruter chaque creek qui sont des endroits à orignaux. J'en aperçois un au loin derrière un îlot , je demande à mon pilote de remonter à contre courant pour s'approcher. N'oublions pas que dans quelques mois çà sera avec un fusil qu'on fera ce genre de trip pour remplir le congélateur mais aujourd'hui ça sera  pour le plaisir des yeux. Après 6 heures de descente nous voila arrivés tous en un seul morceau mais fatigués et pressés de rentrer pour enfiler des vêtements secs.

Finalement le lendemain, après tant de mois d’hésitation, une offre très alléchante m'a été faite et j'ai fini par acheter l'appareil photo de mes rêves et alléger mon compte en banque de l’équivalent d'un mois et demi de sandwichs. Je n'aurai donc plus aucune excuse pour laisser mes articles sans photo.


No comments:

Post a Comment